Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques
31 mai-4 juin 2021 Toulouse (France)
Du sel et du fer évanescents : reconstituer l'économie de deux matières premières volatiles
Clara Millot-Richard  1@  
1 : UMR 8215 -Trajectoires
Université Paris-Sorbonne Paris I

Les économies anciennes sont par nature difficiles à saisir, car nous ne disposons pas des concepts ni des outils pour les comprendre. La tâche est encore plus complexe lorsque l'archéologue est confronté à des matériaux qui ne laissent pas, ou peu, de traces, alors qu'ils sont essentiels à la compréhension des systèmes globaux. À l'inverse, adopter une approche économique permet d'appréhender le fonctionnement de ces matières premières évanescentes. Dans le cadre de cette communication nous avons choisi d'évoquer deux matériaux aux problématiques très différentes, le sel et le fer, mais dont les enjeux recoupent ceux de cette session.

Le sel et le fer sont deux matières premières dont l'exploitation et la consommation sont stratégiques dans les sociétés protohistoriques nord-alpines. Le sel, véritable « or blanc », ne se conserve pas. Il n'est donc traçable que par les éléments de briquetage qui ont servi à la fabrication des pains de sel et qui voyagent avec ces produits calibrés. C'est le cas dans le Bade-Wurtemberg, où l'on retrouve les fragments de moules à sel sur les sites de consommation. Les informations livrées par ces objets nous permettent de formuler des hypothèses sur la demande et la consommation du sel, au premier (VIe, Ve, première moitié du IVe s. av. J.-C.) comme au second âge du Fer (seconde moitié du IVe jusqu'au Ier s. av. J.-C.). C'est sur ces sites de consommation que l'on perd la trace du sel ; par exemple les Viereckschanze laténiens semblent être un lieu privilégié de transformation des pains de sel en salaison. Ces produits salés sont ensuite presque impossibles à (re)tracer, sauf peut-être dans le cas des pots de stockage de Villeneuve-Saint-Germain cités dans les travaux de Frédéric Gransar. Le pistage de salaisons dans les pots de stockage nécessiterait la constitution d'un référentiel expérimental qui reste à faire.

Le cas du fer est légèrement différent, dans la mesure où le fer est un matériau qui se conserve. On pourrait s'attendre à ce que ce matériau ne soit pas concerné par les problématiques de recyclage et de traçage. Cela a posé des questions sur l'identification des gisements ferreux utilisés pour façonner tel ou tel objet. Le recyclage des objets en fer fait pleinement partie de son circuit économique. Les objets sur lesquels ces questions sont les plus visibles sont les demi-produits ferreux. Des dépôts comme ceux de Durrenentzen montrent bien que des masses brutes de fer ont été combinées pour façonner les demi-produits bipyramidés, révélant ainsi des réseaux d'échange à longue distance des matières premières. De façon plus surprenante encore, des demi-produits de type currency bars ont fourni des datations très anciennes. Cela laisse supposer un recyclage de masses ferreuses bien plus anciennes et des pratiques sociales et/ou mémorielles autour de cette matière première. 


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