Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques
31 mai-4 juin 2021 Toulouse (France)

Programme > Par intervenant > Pallier Céline

Détecter, interpréter et modéliser les vides et les pleins au cours du Paléolithique supérieur (MIS 3-MIS 2) à partir de l'enregistrement géoarchéologique de la grotte du Mas d'Azil (Pyrénées, France)
Céline Pallier  1@  
1 : Institut national de recherches archéologiques préventives, centre archéologique de Villeneuve-lès-Béziers  (Inrap, Villeneuve-lès-Béziers)  -  Site web
Institut national de recherches archéologiques préventives
Parc Actipolis, rue Acropole, 34500 VILLENEUVE-LES-BEZIERS -  France

Le versant nord-pyrénéen présente une grande richesse en vestiges du Paléolithique supérieur. Toutefois, les différentes cultures sont représentées de façon inégale, à la fois d'un point de vue chronologique et spatial, donnant l'image d'une forte variabilité de l'occupation des Pyrénées. L'Aurignacien, par exemple, ne compte que quelques sites sur le piémont pyrénéen et est absent en fond de vallée. Dès lors, quelle signification peut-on attribuer à cette absence de vestiges : absence des humains ou conservation différentielle ?

Pour comprendre les espaces vides à l'échelle d'une région, il faut détecter et interpréter des espaces particuliers dans lesquels l'information a été enregistrée puis les mettre en relation. En Ariège, la grotte du Mas d'Azil constitue un enregistreur très haute résolution des réponses hydrosédimentaires découlant des fluctuations climatiques au cours du dernier cycle glaciaire. L'étude interdisciplinaire, mêlant historiographie, géomorphologie, karstologie, géoarchéologie, archéologie préventive et programmée, de cette cavité a apporté des éléments de réponse à la question des lacunes archéologiques, et ce à de multiples échelles d'observation, de la galerie jusqu'à la vallée de l'Arize et, par extension, au piémont nord-pyrénéen. En effet, les variations de ces dynamiques hydrosédimentaires ont conditionné à la fois les occupations humaines durant le Paléolithique supérieur et la conservation ou non des contextes archéologiques.

À l'échelle de la grotte, des lacunes sont observées dans les occupations archéologiques, sur le plan tant chronologique (lacune d'enregistrement archéologique entre l'Aurignacien ancien et le Magdalénien moyen, hormis de rares traces entre le Solutréen récent et le Badegoulien) que spatial (répartition différentielle des vestiges du Magdalénien). La perception de ces lacunes s'explique en partie par les différents processus sédimentaires qui s'y sont succédé. Les niveaux aurignaciens ont été recouverts par plusieurs mètres de sédiments fluviatiles. Cette phase d'aggradation de la transition MIS 3-MIS 2 a rendu la grotte inaccessible pendant plusieurs millénaires. Enfin, si l'étude géomorphologique ne permet pas d'expliquer l'absence du Magdalénien inférieur, l'analyse et le croisement des processus qu'elle regroupe apportent une réflexion très précise sur l'organisation de l'espace, les accès et les circulations des populations à l'intérieur de la grotte au cours du Magdalénien moyen récent.

À l'échelle de la vallée de l'Arize, les processus sédimentaires de la dernière phase froide ont également été enregistrés, mais de façon très dégradée. Malgré la différence de résolution, grâce à la comparaison avec des vallées du versant nord-pyrénéen comme la Garonne et l'Ariège, des hypothèses de corrélations sont possibles entre les enregistrements dans la grotte et dans la vallée de l'Arize. Ainsi, par les témoignages archéologiques qu'elle nous livre dans leur contexte géomorphologique, cette grotte souligne l'importance de la taphonomie différentielle des vestiges archéologiques et permet de les interpréter, de l'échelle du site jusqu'à celle du piémont nord-pyrénéen.


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