Session H - Des vivants sans tombes et des morts sans habitats : évolution des pratiques funéraires du Néolithique au début du premier âge du Fer en France et en Europe occidentale
Des vivants sans tombe ?
Rechercher et interpréter l'invisible dans les pratiques funéraires en France et en Europe occidentale
Session organisée par
Stéphanie Adroit, Rebecca Peake, Marc Talon et Yaramila Tchérémissinoff
Mots-clés : pratiques funéraires, Néolithique, âge du Bronze, premier âge du Fer
Résumé
Des vivants sans tombe, tel pourrait être un des constats que l'on peut faire dans nombre de territoires au cours de la Protohistoire, période riche en diversité des pratiques funéraires. Aussi proposons-nous une session sur l'identification et l'interprétation des vides archéologiques (des « invisibilités ») dans le domaine funéraire, qu'ils soient chronologiques, géographiques, matériels ou démographiques.
Il convient de préciser au regard de la thématique du colloque, qu'il y a différents types « d'invisibilité » :
- une invisibilité réelle/testée (preuve de l'absence), c'est-à-dire des pratiques funéraires qui ne laissent pas (ou peu) de traces identifiables par l'archéologie mais aussi des pratiques du rituel funéraire qui sont immatérielles,
- une invisibilité conditionnée par nos questionnements (absence de preuve) : invisibilité spatiale liée aux territoires de recherche des archéologues (aléas des fenêtres de fouille), des indices ténus non identifiés sur le terrain archéologique car on ne soupçonne pas leur existence (inconnus / non reconnus) c'est-à-dire que l'on ne « les cherche pas ou l'on ne s'attend pas à les trouver » dans certains contextes (ex : les restes humains mélangés à la faune dans des contextes d'habitats).
Depuis maintenant...le développement de l'archéologie préventive et l'acquisition d'un nombre conséquent de données permettent de réaliser des bilans sur ce sujet à condition d'utiliser les mêmes critères d'analyse afin que les résultats puissent être comparés entre eux.
De manière à faciliter les discussions lors de la session, il est proposé que soient réalisés des bilans au préalable, documents qui seraient remis aux congressistes sous forme de listes de sites accompagnées de cartes. Ils porteraient notamment sur les différents types de pratiques funéraires et de dépôts d'ossements humains (inhumés, incinérés, monument, urnes, offrandes, vestiges humains dans des contextes d'habitat, de cavité naturelle...) auxquelles serait associé un tableau des datations 14C disponibles.
Vu le thème du congrès qui porte sur hiatus, lacunes et absence, deux démarches d'analyse du contexte funéraire sont proposées : l'une au niveau du territoire et l'autre au niveau du site.
Pour la première, il convient d'identifier des territoires ayant livré suffisamment de données pour pouvoir décompter des critères d'occupation sur quelques zones tests : habitat, funéraire et fréquentation/utilisation du terroir (parcellaire, chemin, dépôt d'objets en bronze, berge, grotte ou piégeage stratigraphique associant mobilier et datations radiocarbones, etc.)
À partir des histogrammes par territoires, on s'attachera à voir si l'évolution en termes de présence ou absence de sépultures, monuments, voir nécropoles est un marqueur pour une période ou un territoire.
Au regard de la longueur de la période considérée, il conviendra de prendre en compte les différents biais dus ici à la réutilisation de sépultures collectives plus anciennes, là à l'apparition et évolution des rites liés à l'incinération ou encore à l'acidité de certains sols empêchant toute conservation des os, et l'érosion des monuments funéraires de type tumulus.
Dans chaque territoire (présenté), l'analyse et l'interprétation se poursuivra au niveau des corpus réunis pour essayer de caractériser ces vides afin d'identifier puis de tenter d'expliquer les constantes et les décrochages en les comparant avec les autres territoires. On s'attachera en particulier aux pratiques qui laissent peu de traces ou qui semblent, en l'état de la documentation, rares ou marginales (problématiques de définition des normes).
Pour la seconde, il convient d'effectuer la même démarche au niveau d'un site ou d'un groupement de sites, en privilégiant ceux présentant une occupation longue avec une évolution des pratiques, en s'attachant notamment à la plus ou moins grande visibilité de certains types de site funéraire, à l'invisibilité de certaines classes d'âge, à l'invisibilité des hommes ou des femmes en fonction de certaines périodes ou territoires, aux phases de constructions de monuments, à la présence ou non de mobilier funéraire, etc.
On pourra également s'intéresser aux manifestations non-sépulcrales dans les nécropoles - c'est-à-dire tout ce qui n'est pas strictement une sépulture : présence d'aire de crémation, cénotaphes, dépôts (non-funéraires) dans les fossés des monuments, structures de combustion, monuments non-funéraires (absence de sépulture centrale n'est pas forcément le résultat d'une érosion), aux pratiques cultuelles....
Un dernier point concerne le développement ces dernières années d'approches pluridisciplinaires qui enrichissent les processus taphonomiques observés au cours de la fouille, rendant visibles des informations ténues voire disparues, ou bien invisibles : l'utilisation de la photogrammétrie ou de la tomodensitométrie dans le cas des dépôts de crémation, les analyses moléculaires des contenants en céramique déposés dans les tombes, les études d'ADN ancien et de mobilité des populations.