Session G - Apprendre et comprendre : de la transmission des savoirs à la structuration des sociétés
La question de la transmission des savoirs, de la reproduction des savoir-faire et de l'acquisition des compétences sous-tend un grand nombre d'approches en Préhistoire. Elle est en effet patente dans la simple mention des techniques, et particulièrement pertinente lorsque l'on aborde les systèmes de transformation des différentes matières d'oeuvre - lithique, matière dure animale, céramique, métal ou autre. C'est via l'apprentissage que les systèmes techniques sont (re)produits, assurant de manière cruciale la continuité des groupes sociaux. C'est à travers la transmission intergénérationnelle des connaissances entre individus qu'il est possible de dessiner la trajectoire des traditions techniques dans le temps et dans l'espace.
Les mentions directes ou indirectes sur l'apprentissage remontent à la naissance de l'archéologie. L'ethnologie et l'histoire nous éclairent aussi par la description d'ateliers ou encore par de nombreux récits attribuant une origine mythique aux savoirs techniques.
Pour autant, l'apprentissage est avant tout une notion et non un objet physique identifiable en tant que tel. Les traces qu'il laisse ne sont perceptibles qu'à travers une grille de lecture s'appliquant à la fois aux objets physiques et à leur contexte de découverte ; on est alors dans l'ordre de l'interprétation et de l'interrogation de données acquises. Ainsi, si l'apprentissage en tant que comportement technique et pratique sociale est toujours présent, il peut passer inaperçu si la question n'est pas posée et si les méthodes appliquées ne sont pas appropriées.
En Préhistoire, c'est surtout à partir des années 80 que la notion d'apprentissage est intégrée de façon systématique dans les études de divers matériaux archéologiques. Suite à de nombreux travaux fondateurs, le recours fréquent aux remontages concernant la sphère lithique, puis l'essor des référentiels actualistes a permis un véritable renouveau méthodologique des études sur l'apprentissage. Les stigmates de l'apprentissage et les variations dans l'expression de la technicité sont souvent privilégiés, au détriment de leurs implications socio-économiques plus rarement explorées. C'est donc bien le renouvellement des méthodologies et des sujets d'étude dans une perspective palethnologique et plus récemment cognitive, qui a rendu visibles les données relatives à l'apprentissage.
Maîtriser les variations dans l'expression de la technicité permet d'épurer notre définition des normes techniques. Néanmoins, ces variations dans la production sont aussi des témoins d'individus, d'âge, de genre, de statut et de rôle socio-économique distincts, qui réinterprètent les normes du groupe social. L'acquisition individuelle des compétences neuromotrices, les modalités de transmission des savoirs techniques et le contexte socioculturel des apprenants ou plus largement la structuration et l'organisation des groupes et des réseaux de transmission sont autant de questions relatives à l'apprentissage.
Il s'agit là d'un axe de recherche fondamental pour la compréhension de l'individu et de ses interactions au sein du groupe. L'apprentissage laisse des traces concrètes sur le lieu de production et sur les oeuvres qui en résultent. Il est marqué aussi, par des traces discrètes, voire absentes, par des hiatus, des ruptures ou des changements dans la transmission. C'est en s'interrogeant sur ces absences et sur ces hiatus, sur leurs implications, ainsi que sur les méthodes appropriées pour les éclairer, que nous souhaitons aborder l'apprentissage, quelle que soit le type de matière d'oeuvre travaillé par les sociétés humaines passées, pendant cette session. Et ce pour tout type de matière d'œuvre travaillée par les sociétés humaines passées.