Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques
31 mai-4 juin 2021 Toulouse (France)
Quand la pierre cache la forêt : l'utilisation architecturale du bois en contexte domestique en Corse au Bronze moyen
Kewin Peche-Quilichini  1, 2@  
1 : INRAP Méditerranée
INRAP
Centre opérationnel de Vescuvatu -  France
2 : Archéologie des Sociétés Méditerranéennes  (ASM)  -  Site web
Centre National de la Recherche Scientifique : UMR5140, Université Paul-Valéry - Montpellier 3, Ministère de la Culture et de la Communication
Route de MendeUniversité Paul Valéry-Montpellier 334199 MONTPELLIER Cedex -  France

Depuis les années 1950, qui marquent les premières recherches sur le sujet, les contextes domestiques corses de l'âge du Bronze sont essentiellement connus pour leurs architectures de pierre sèche. Si ce constat se justifie par la multiplicité et la monumentalité des fortifications et des habitations de structure maçonnée ou orthostatique, l'analyse des bâtis et des systèmes de calage/fixation rend compte d'une mixité importante des matériaux de construction, notamment d'une forte intégration de pièces de bois. Au Bronze moyen (1650-1350 av. J.-C.), celles-ci sont utilisées de façons variées.

De manière classique, dans les habitations à structure permanente en pierre, la présence de nombreux poteaux porteurs est révélée par la dispersion de leurs fosses d'implantation. Dernièrement, sur le site d'I Stantari di u Frati è a Sora, il a aussi été possible d'observer des fossés extérieurs destinés à caler les chevrons et les arbalétriers de toits à double pente, ainsi que des tranchées de sablières basses (latérales et transversales) internes. Le même habitat montre également l'existence de maisons entièrement construites en matériaux périssables et de structures défensives de type palissade, qui constituent des nouveautés à l'échelle de l'île.

Dans certaines fortifications, comme Cuccuruzzu, Araghju ou Tappa, la présence de planchers sur solive est déduite de l'identification d'espaces en tant que caves et de systèmes de consoles installés sur le parement interne du rempart. L'aménagement, sous ces agencements, de « fenêtres » dont l'unique fonction possible est de produire de la lumière, confirme l'idée de pièces de plain-pied et autres caves plafonnées disposées contre le mur ajouré. Les éléments formant le plafond servent ici toujours à établir un plancher de circulation « de plein air » placé contre et légèrement sous le sommet du rempart. Dans les torre, ces greniers fortifiés en forme de tour tronconique, l'utilisation du bois se fait exactement de la même façon. En effet, le parement interne des chambres des monuments corses ne montre presque jamais le contre-fruit des nuraghi sardes, qui y annonce l'encorbellement. En contrepartie, il faut imaginer un couvrement horizontal peut-être directement posé sur le sommet des maçonneries, ce qui faciliterait par là même l'aménagement d'un mâchicoulis. Concernant la pièce basse, le parement interne de certains turriformes comme la torra sud de Tappa inclut une console servant à soutenir plusieurs petites pannes muralières dont le niveau de pose correspond au seuil des trois principales logettes du bâtiment. Une quatrième, installée sous la troisième, confirme l'existence de ce plancher définissant une cave rendue accessible par l'aménagement probable d'une trappe.

À travers ces quelques exemples, on devine l'imbrication nécessaire et fréquente des matériaux pierre et bois dans des constructions que la dégradation des éléments ligneux nous a longtemps fait paraître comme uniquement élevés en pierre sèche (ou intégrant des semelles de terre à bâtir). Il reste néanmoins à préciser ces aspects, notamment par une caractérisation des essences, thème qui reste à ce jour non documenté en raison de l'absence de restes de bois d'œuvre.


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