Dès le Bronze ancien, les images figuratives d'oiseaux se multiplient à travers l'ensemble de l'Europe. Ils deviennent omniprésents dès la transition du Bronze moyen au Bronze final et perdurent jusqu'à la fin de l'âge du Fer. Les supports de représentation sont essentiellement des objets prestigieux liés à une élite tels que la vaisselle métallique, la parure, l'armement, retrouvés essentiellement en contexte funéraire.
Les images et les objets qui les portent, les matériaux qui les composent sont au cœur des pratiques sociales des sociétés à traditions orales. L'étude de la culture matérielle et symbolique protohistorique soulève de nombreuses difficultés inhérentes à l'étude des sociétés protohistoriques : chronologie et contexte de découverte incertains ou remaniés, fonction des objets, difficultés à nommer, à interpréter et à donner un sens aux images. Traditionnellement, l'art protohistorique est perçu comme schématique, stylisé, abstrait, voire purement décoratif.
L'art protohistorique a longtemps été comparé avec l'art des sociétés dites « classiques » par des chercheurs imprégnés par la notion de réalisme. Or, l'art dit « réaliste » est une exclusivité de la culture moderne. L'art protohistorique est régi par des « canons » strictement déterminés, tant du point de vue thématique que formel comme le montre le bestiaire restreint représenté. Les motifs d'oiseaux sont exécutés sous une forme naturaliste, dans la mesure où de nombreuses caractéristiques des sujets représentés sont identifiables. Les artistes ont sélectionné des éléments visuels, des détails physiques ou comportementaux, qu'ils ont reconstruits symboliquement. Ils ont ainsi transcrit sur des objets ce qu'ils avaient observé dans la nature, de sorte que les percepteurs identifient d'un simple regard le sujet ou les évènements représentés. Les oiseaux sont figurés par des caractéristiques immédiatement identifiables malgré leur aspect, à première vue lacunaire. Ils peuvent être reconstruits de nombreuses façons : en entier, par la moitié haute du corps ou seulement par la tête. De fait, si la tête, les yeux et le bec sont généralement représentés, les artistes ont souvent négligé la représentation des pattes, des ailes ou du plumage.
L'analyse menée ici adopte une nouvelle approche qui mêle de nombreuses disciplines aussi diverses que l'archéologie, l'anthropologie sociale, l'ornithologie, l'éthologie ou encore la mythologie comparée. Si le motif de l'oiseau est depuis longtemps reconnu comme l'animal privilégié sur les objets de l'âge du Bronze et de l'âge du Fer, l'identification des espèces qui sont représentées est restée à l'écart des études réalisées jusqu'alors, mis à part quelques rares exceptions.
Montrer que l'art protohistorique, souvent perçu comme schématique a aussi cette dimension naturaliste, forme l'enjeu principal de cette présentation à la croisée de nombreuses disciplines complémentaires. Le corpus d'étude rassemble au total 1010 représentations d'oiseau, soit 943 objets provenant de 717 sites archéologiques dans 23 pays différents. Pour ce faire, une typologie explicative des différentes formes de représentation a été établie à partir du corpus. Puis, des analyses statistiques ont pu mettre en évidence à la fois des répétitions, des variantes et/ou des absences sur le temps long, que ce soit les espèces représentées, leurs attributs physiques, les supports et les thèmes iconographiques.Grâce à la comparaison stylistique des représentations aviaires, il est possible de préciser la fonction symbolique des objets, leur chronologie et d'identifier une certaine uniformité idéologique à l'échelle européenne. De l'observation à l'interprétation, de la réalité concrète à la représentation, l'oiseau est un animal-symbole qui mènera cette étude à travers divers champs de recherche afin de comprendre sa place au sein des conceptions mentales des sociétés protohistoriques.