Pendant longtemps, les spécificités chronologiques, spatiales et techno-typologiques des industries du Pléistocène inférieur et moyen en Afrique ont contribué à énoncer l'idée d'un Acheuléen « africain ». Il a longtemps été admis que tout au long de cette période techno-culturelle, la production lithique tendait vers une complexification des méthodes et techniques de production d'outils en pierre, suggérant des mécanismes d'évolution technique et cognitive dans une perspective diachronique « universelle » des faits techniques. Néanmoins, l'Acheuléen d'Afrique s'est peu à peu distingué de cette linéarité initialement définie à partir de sites européens de par une chronologie propre, une importante densité de sites dès 1Ma et des types d'outils particuliers, comme les hachereaux, polyèdres ou bolas. De plus, les dernières décennies ont permis de mettre en évidence des particularités régionales et même micro-régionales au sein de l'Acheuléen « africain », démontrant clairement une synergie technologie/chronologie/culture/évolution plus complexe qu'initialement proposée. Elles soulignent également la nécessité de s'abstraire des visions généralistes parfois proposées pour mettre en exergue les spécificités comportementales et la diversité des identités techniques des groupes humains du Pléistocène inférieur et moyen.
Par ailleurs, les séquences chrono-stratigraphiques qui ont permis la construction de ce savoir scientifique sont presque uniquement localisées en Afrique du Sud et en Afrique de l'Est, et ne représentent au final qu'un espace très réduit du continent africain. Et seul le corpus est-africain acheuléen a servi de support d'étude des dynamiques de populations, principalement modélisées à l'aune des mouvements entre l'Afrique et l'Eurasie (« Out(s) of Africa »), laissant de côté la question des processus de diffusion et de migration intracontinentaux. Ainsi, à partir de divers exemples issus du corpus de la façade atlantique continent africain, et plus particulièrement d'Angola (Province de Benguela), du Gabon (Parc National de la Lopé), du Sénégal (sites de la Falémé), et de la Namibie (sites du Bas-Orange) nous présentons certaines spécificités techniques de ces espaces de cette période, permettant ainsi de questionner la diversité des expressions acheuléennes en Afrique. Même si le corpus archéologique d'Afrique atlantique sub-saharienne semble documenter des occupations plus récentes qu'à l'est et au sud du continent, il permet d'envisager de nouvelles approches du peuplement et de la diffusion intra-africaine des populations dites acheuléennes.
For a long time, the chronological, spatial and techno-typological patterns of the Lower and Middle Pleistocene sites in Africa have contributed to the idea of a monolithic "African Acheulean”, during which the technical trends towards a complexification of stone tool production strategies have been seen in a "universal" diachronic perspective. Nevertheless, Acheulean in Africa has gradually been distinguished from its European expression, where it has initially been defined, thanks to major discrepancies in terms of temporal diffusion, of sites distribution and density and dispersion of specific tool-types in Africa such as cleavers, polyhedra or bolas. Particularly, researches from the last decades have highlighted regional and even micro-regional variation within the "African" Acheulean, clearly depicting a more complex techno-chrono-cultural synergy than initially proposed. This emphasizes the necessity to question the “universal” perspective of the Acheulean trajectories, and to more deeply investigate the diversity of the techno-cultural identities during the Lower and Middle Pleistocene in Africa.
Furthermore, the chrono-cultural sequences used to establish the African Acheulean paradigm are almost exclusively located in the Southern and Eastern parts of the continent, and finally cover a limited area of the continental territory. Models of the human dispersals between Africa and Eurasia ("Out(s) of Africa") has emphasized the technical significance of the eastern African corpus, and generally left aside the question of the intra-continental dynamics. Thus, based on various examples from Acheulean sites from Senegal (Falémé sites), Gabon (Lopé National Park), Angola (Benguela Province) and Namibia (Lower Orange sites), we address some regional technical traits which allow us to question the diversity of Acheulean expressions in Africa. Even if the archaeological corpus of sub-Saharan Atlantic Africa seems to document more recent occupations than in other regions of the continent, it gives new insights on human dispersals models during Acheulean.