Les nombreux travaux réalisés le long du cours du wadi el-Khowi, un ancien bras du Nil situé dans le Northern Dongola Reach (Nubie soudanaise), ont révélé d'innombrables traces d'occupations se rapportant aux périodes néolithique et Pré-Kerma. Les datations se multipliant au fil des recherches, il est apparu que les occupations identifiées relevaient de deux périodes disjointes : l'une (Néolithique) s'achevant à la fin du 5e millénaire, l'autre (Pré-Kerma) débutant un millénaire plus tard, à la charnière des 4e et 3e millénaires. Un hiatus chronologique couvrant l'ensemble du 4e millénaire, et pouvant s'expliquer par un abandon durable de la région, semblait ainsi séparer le Néolithique de la période Pré-Kerma, la phase formative de la période Kerma marquée par la naissance et le développement du royaume éponyme. Cet abandon pluri-centenaire scinderait alors le processus de hiérarchisation des sociétés régionales en deux phases disjointes, sans connexion évidente. Engagé au Néolithique, il reprendrait à la période Pré-Kerma, pour atteindre, quelques siècles plus tard, un niveau de centralisation du pouvoir politique qui, à l'échelle de l'Afrique, n'eut d'égal que celui qui aboutit à l'Egypte pharaonique.
Mais les travaux entrepris ces dernières années sur un secteur limité de Kadruka, l'une des trois concessions traversées par le wadi el-Khowi, ont révélé une occupation datée de la première moitié du 4e millénaire. Sur ce secteur, les occupations se rapportant à la fin du Néolithique (fin 5e et début 4e millénaire) et à la période Pré-Kerma (charnière 4e/3e millénaire), semblent même particulièrement bien représentées. À l'échelle de ce seul secteur, le hiatus envisagé semble ainsi se résorber, son existence n'étant désormais envisageable que sur quelques siècles centrés sur la seconde moitié du 4e millénaire.
Dans le cadre de cette communication, une fois cette situation présentée, nous tenterons de montrer qu'une combinaison de facteurs - les conditions environnementales passées, les modalités d'occupation de l'espace aux périodes considérées, l'érosion, et l'histoire de la recherche archéologique régionale - pourrait suffire à expliquer ce qui nous apparaît aujourd'hui comme un hiatus. Et nous verrons qu'en raison de la destruction des derrnières traces d'habitats qui, il y encore quelques décennies, marquaient tout le cours du wadi el-Khowi, il sera probablement difficile de savoir si ce cours a réellement été abandonné à la période, aussi essentielle que méconnue, qui fait le pont entre le Néolithique et le Pré-Kerma.