La circulation des productions matérielles offre des données spatialement dynamiques, techniquement cadencées et culturellement situées qui permettent d'aborder la compréhension des organisations matérielles et idéelles des sociétés préhistoriques. Confronter les différents registres archéologiques permet aussi de revisiter les cadres classiques. Nous présentons ici les premiers résultats d'une étude de cas conduite, à travers le spectre des équipements lithiques, sur les réseaux de relations à l'extrême fin du Paléolithique.
Le Laborien et le Belloisien, succédant à l'Azilien et précédant le Sauveterrien, sont des « traditions préhistoriques » redéfinies depuis une décennie, dans une grande moitié ouest de la France. Ils s'inscrivent dans un courant technique étendu dans toute l'Europe nord-occidentale qui se caractérise par des débitages lamino-lamellaires normés, en particulier la fabrication de supports larges aux profils rectilignes.
Les questionnements abordés lors de cette communication portent sur l'homogénéité et les relations de l'ensemble belloisien avec le Laborien et l'Ahrensbourgien qui « l'encadrent » au sud et au nord. À cet égard, nous avons pris pour cadre géographique de cette étude la (réputée) marge méridionale du Belloisien, au nord du Massif central, dans les grandes plaines alluviales du sud du bassin versant de la Loire (Allier et Cher). Les sites belloisiens, implantés dans des régions riches en silicites, sont interprétés comme des lieux essentiellement dédiés à la fabrication de supports lithiques. Nous nous interrogeons donc sur les modalités de circulation des géoressources exploitées à l'intérieur et/ou emportées depuis ces sites. Ces questionnements permettent en effet d'intégrer des données à valeur spatiale aux réflexions sur la structuration de ces ensembles, alors que la proximité des traditions techniques lithiques est de plus en plus évidente pour de nombreux chercheurs.
En effet, à la suite de l'étude de deux séries lithiques attribuées, l'une au Laborien (Champ-Chalatras, 63), l'autre au Belloisien (Muides-sur-Loire, 41), nous avons mis en évidence des schémas opératoires très proches, ainsi qu'une fréquentation de gîtes de matière première lithique communs. Nous proposons donc non plus une représentation structurée par des « frontières préhistoriques » (soit un espace continu dans un monde discontinu), mais plutôt par un réseau de lieux aux statuts et activités divers (soit un espace discontinu au sein d'un monde continu) au sein duquel circulent des collectifs et par conséquent des ressources, des savoir-faire et très probablement des idées. Ainsi, nous questionnerons dans cette communication la cohérence des appellations régionales qui, à notre sens, relèverait de « frontières de préhistoriens » plus que de « frontières préhistoriques ».