Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques
31 mai-4 juin 2021 Toulouse (France)
Genre des objets et objets du genre. L'exemple des fibules en contexte funéraire à la transition entre 1er et 2nd âge du Fer dans le Centre-Est de la France
Andrea Charignon  1@  
1 : Université Toulouse - Jean Jaurès  (UT2J)  -  Site web
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
5 allées Antonio Machado - 31058 Toulouse Cedex 9 -  France

Les fibules sont des objets fréquemment mobilisés pour l'étude des âges du Fer, car elles sont de bons marqueurs chrono-culturels. L'étude présentée ici propose de les aborder sous un tout autre angle : celui du lien entre l'objet et l'identité de celui ou celle qui le portait. Les fibules possèdent une double fonction, à la fois attache de vêtement et parure, et entretiennent un lien étroit avec le costume et le corps de leur porteur/porteuse. Au regard de leur fréquence dans les contextes funéraires de la transition entre 1er et 2nd âge du Fer, c'est leur rôle dans la représentation du genre qu'il s'agira d'interroger. En tant qu'éléments rendant possible le maintient du costume, les fibules permettent de comprendre comment la culture matérielle participe de la construction et de la représentation des identités en contexte funéraire au sein des sociétés considérées.

L'étude prend en compte un corpus de 194 fibules réparties entre 176 sépultures mises au jour dans 13 sites, répartis sur un grand tiers oriental de la France, entre le Puy-de-Dôme et l'Aisne. Il s'agit tout d'abord de croiser l'analyse des fibules (matériaux, typologie, dimensions) avec les données contextuelles (nombre par défunt·e, placement sur le corps, composition du mobilier funéraire) afin d'observer les grandes tendances qui se dessinent quant à l'identité socio-économique des défunt·es. La question du genre a ainsi été combinée avec les critères d'âge et de statut social, critères selon lesquels la différenciation par le genre n'obéit pas aux mêmes règles.

Ces analyses mettent en évidence plusieurs points :

- Une tendance générale qui montre que la grande majorité des individus, toutes dotations funéraires, âges et sexes confondus, portent des objets relativement standardisés sur l'ensemble de la période étudiée. Ces fibules sont majoritairement en fer, portées en un ou deux exemplaires au niveau des épaules ou des côtes et mesurent entre 3 et 5,5 cm.

- Une particularité des fibules portées par les individus dotés d'une majorité de parures, qui cumulent les caractéristiques distinctives par rapport à la norme observée. Alors que le fer se généralise pour la fabrication des fibules au cours du temps, ces individus vont concentrer les exemplaires en bronze et agrémentés de matériaux exogènes précieux (corail), jusqu'à en avoir l'exclusivité à la fin de la période. Elles sont également plus petites que la moyenne et vont être portées en nombre plus important (parfois 3 à 4 exemplaires par individu). Ce cas de figure concerne principalement les sépultures de femmes et d'enfants

Les caractéristiques des fibules, non-genrées dans la plupart des cas mais distinctives dans les contextes féminins de statut social à priori élevé, permettent ainsi d'apporter des informations sur la place de ces femmes par rapport à celle des hommes dans la mort. En se limitant aux critères de genre et d'âge, cette analyse permet d'explorer comment se sont construites les féminités et les masculinités propres aux cultures protohistoriques du Centre-Est de la France à la transition entre 1er et 2nd âge du Fer.

 

Gendered objects and objects of gender. Brooches in Center-East french funerary contexts during the 1st and 2nd Iron Ages Transition

Brooches are frequently used for the study of Iron Ages, as they are good chronological and cultural markers. The study presented here proposes to approach them from a completely different angle: that of the link between the object and the identity of the individual who wore it. As both clothing clips and ornaments, brooches have both a dual function and a close link to the costume and body of the wearer.
In view of their frequency in the funerary contexts during the transition between 1st and 2nd Iron Age, brooches will be examined here through their function in the representation of gender. As components that make it possible to maintain clothing, the brooches enable us to examine how material culture plays a part in the construction and representation of identities in the funerary context within the societies under consideration.

The study takes into account a corpus of 194 brooches distributed among 176 burials unearthed in 13 sites, spread over a large eastern third of France, between French Puyde-Dôme and Aisne.
The analysis of the brooches (materials, typology, dimensions) is cross-referenced with contextual data (number per deceased, placement on the body, composition of the funerary equipment) in order to observe the major trends that are emerging, with regard to the socio-economic identity of the deceased. The gender issue was thus combined with the criteria of age and social status, according to which gender differentiation does not follow the same rules.
These analyses highlight a number of points:
First of all, the general trend in the characteristics and wearing of brooches shows that the vast majority of individuals, all funeral endowments, age and sex combined, wear relatively standardised objects throughout the period studied. These brooches are mostly made of iron, worn in one or two specimens on the shoulders or ribs, and measure between 3 and 5.5 cm.
However, there is a peculiarity in the brooches worn by individuals equipped with a majority of jewelry, which accumulates the distinctive characteristics compared to the standard observed. As iron became more widely used in the manufacture of those objects over time, these individuals will concentrate bronze items and those adorned with precious exogenous materials (coral). These pieces are also smaller than the average and will be worn in larger numbers (sometimes 3 to 4 pieces per individual). This mainly concerns the burials of women and children, that will exclusively wear such brooches by the end of the period.
The characteristics of the brooches, non-gendered in most cases but distinctive in feminine contexts with a priori high social status, sheds light on the place occupied by these women in relation to that of men in death. By limiting itself to the criteria of gender and age, this analysis allows us to explore how femininities and masculinities were constructed in the protohistoric cultures of Central and Eastern France during the transition from the 1st to the 2nd Iron Age.


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