Hiatus, lacunes et absences : identifier et interpréter les vides archéologiques
31 mai-4 juin 2021 Toulouse (France)
La mémoire des vides : réoccupation des sites néolithiques à l'âge du Bronze dans le Bassin parisien.
Zoran Čučković  1@  
1 : CNRS, UMR 6249 - Laboratoire Chrono-environnement  -  Site web
Université de Franche-Comté
16 route de Gray, 25030 Besançon cedex, France -  France

Face aux hiatus dans les séquences d'occupation des sites et des espaces, il est facile d'oublier qu'un vide chronologique n'est pas nécessairement un vide culturel. Un site abandonné reste souvent un site connu ou un lieu de mémoire, ainsi sa présence dans le paysage continue à influencer les pratiques culturelles. Parfois, le retour à des sites longtemps abandonnés peut relever d'une volonté de renouer avec le passé, ou bien avec l'image du passé que la mémoire collective s'est façonnée. L'occupation des sites archéologiques n'est pas une catégorie binaire, présence/absence, mais aussi une question de représentation mentale de l'espace habité, c'est-à-dire de « l'occupation mentale » que l'on trouve dans toute culture ou presque.

Cette communication présente le cas des nécropoles de l'âge du Bronze du Bassin parisien qui manifestent un curieux attachement aux vestiges antérieurs, plus particulièrement néolithiques. Les grands monuments allongés de type Passy, datés du Ve millénaire, ont persisté dans le paysage et semblent avoir attiré l'implantation des nécropoles à l'âge du Bronze. Cette attirance au passé peut être observée sur plusieurs nécropoles néolithiques du secteur de l'interfluve Seine-Yonne. Il est possible que le même phénomène ait touché les vestiges d'habitats néolithiques, en particulier les grands enclos fossoyés, dont la disposition semble avoir influencé la mise en place des installations de l'âge du Bronze. On note également la présence d'objets néolithiques dans les contextes funéraires de l'âge du Bronze. Il pourrait s'agir de remplois opportunistes, mais certains objets ont probablement eu des significations plutôt symboliques, comme par exemple les pointes de flèches néolithiques trouvées dans les tombes riches féminines.

L'approche archéologique de la question de la mémoire collective s'accompagne de multiples difficultés. Assez souvent, elle se contente de cas isolés de remploi ou de réoccupation qui, en réalité, peuvent être trouvés dans toute zone bien connue archéologiquement. L'archéologie de la mémoire n'est pas l'archéologie des objets ayant servi de remploi, ni des sites réoccupés : c'est une archéologie qui, pour comprendre une période et une culture, examine son rapport au passé. Il y a, donc, un besoin d'examen systématique qui permettrait d'évaluer le poids du passé dans l'ensemble des pratiques. Concernant les nécropoles protohistoriques du Bassin parisien, la réoccupation des lieux empreints d'ancienneté apparaît comme une pratique plus systématique que le remploi d'objets, plutôt anecdotique.

Les blancs de nos cartes et les vides de nos chronologies recouvrent en réalité une multitude d'existences, dont les lieux marqués par le passé, ou simplement per des références aux passé. C'est peut-être par leur vacuité même, par l'absence d'occupant pourtant pressenti, que ces lieux interpellaient les habitants postérieurs. Le souvenir peut toujours être lacunaire, mais la mémoire collective n'admet pas de vides, elle les comble d'une manière ou d'une autre. Un espace habité et approprié n'est jamais un vide, ses habitants tâchent nécessairement de l'investir d'un sens historique.


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