Le concept d'Acheuléen est né en Europe et s'est exporté avec succès en Afrique de l'Est. Face à un décalage chronologique important entre les premières industries acheuléennes africaines et les industries européennes qui lui avaient donné son nom, il est devenu synonyme de la présence de bifaces dans les assemblages du Pléistocène inférieur, et s'inscrit comme un point d'ancrage du changement technique. Le rôle de la pièce bifaciale dans les assemblages, le développement de nouveaux systèmes de débitage sans passage au façonnage, le façonnage unifacial... Tout doit s'inscrire dans l'Acheuléen, si bien qu'à une définition typologique basée sur la technique s'est substituée une définition floue articulée autour du développement d'Homo erectus.
Aujourd'hui, parler d'Acheuléen ne suffit plus à se comprendre, mais fait naître un enjeu différent : reconnaitre un changement dans les manières de produire des outils. Dans chaque région du monde, on observe des prémices singuliers qui mènent à des changements techniques propres à chaque espace, dans des contextes environnementaux différents occasionnant une pluralité de réponses et d'adaptations des homininés à leur milieu.
Si les séquence d'Olduvai, Koobi Fora ou Melka Kunture présentent un développement graduel du développement du façonnage bifacial, quelle mémoire technique et quels mécanismes font le changement technique en Asie ? L'industrie façonnée unifaciale de Bose emprunte-t-elle plus à l'Afrique qu'à son antique doyenne de Longgupo ? Doit-on parler des mêmes phénomènes ou d'espaces évolutifs parallèles, présentant similitudes et surtout, singularités ?
A travers une analyse comparée des changements techniques intervenant en Asie orientale et en Afrique de l'Est, nous souhaitons démontrer une altérité technique foisonnante qui identifie une pluralité de traditions dont le développement est plus buissonnant que linéaire.