Depuis des millénaires, les hommes et les animaux ont fréquenté le milieu souterrain. Ainsi, les grottes sont connues pour les vestiges archéologiques qu'elles contiennent, dont des œuvres pariétales, mais aussi pour abriter des colonies de chauves-souris parfois très importantes.
Si l'on connaissait l'impact des chiroptères sur le milieu souterrain, par la formation de coupoles en Bell Holes au plafond et par les altérations localisées provoquées par les jus de guano sur les parois et au sol, il apparaît que cet impact avait été largement sous-évalué. En effet, ces dernières années, les recherches en karstologie ont intégré et développé cet aspect, révélant à quel point, même sous nos latitudes, l'impact de la biocorrosion est important. Ainsi, il apparaît que les parois des grottes qui ont été occupées par ces colonies ont été fortement modifiées. Elles sont non seulement altérées, mais aussi parfois très largement refaçonnées, au point que la section de la galerie a considérablement augmenté. De nouvelles formes de parois, jusque-là inconnues, ont été identifiées et tout un nouveau catalogue de ces morphologies invite à la relecture des formes pariétales.
Évidemment, ce recul des parois a eu un impact sur les œuvres préhistoriques et, là où la biocorrosion a joué, les traces des artistes de la Préhistoire ont disparu. L'identification de l'impact de la biocorrosion permet donc d'expliquer certains vides et, surtout, de relativiser l'absence d'œuvres dans certaines parties de cavité voire dans certaines grottes. En retour, compte tenu de la généralisation de ce phénomène, on peut aller jusqu'à se demander pourquoi il reste encore des cavités ornées. Les premiers exemples qui viennent en tête montrent qu'il s'agit à chaque fois de grottes ou de parties de grottes qui n'étaient plus accessibles au chiroptères. C'est-à-dire qu'après le passage des artistes, une fermeture localisée ou généralisée de la cavité a bloqué l'accès aux chauves-souris, permettant la préservation de ces œuvres fragiles jusqu'à aujourd'hui.
Il est donc important désormais de revoir l'ensemble des grottes ornées, mais aussi des cavités occupées au cours du Paléolithique, pour évaluer en détail l'impact de la biocorrosion. Cette approche, nécessairement interdisciplinaire, regroupe des géomorphologues, des archéologues, des géochimistes mais aussi des climatologues, des éthologues et des microbiologistes. Plusieurs programmes de recherche interdisciplinaires viennent donc d'être initiés, dont les résultats concerneront l'archéologie, bien évidemment, mais également la prévention des sites exposés à la biocorrosion.
À l'évidence, une meilleure connaissance de l'impact de la biocorrosion peut apporter des éléments de réponse dont nous ne disposions pas jusque-là pour réfléchir à la répartition de l'art pariétal dans chaque cavité voire à l'échelle d'une région. En plus des autres phénomènes de taphonomie des parois déjà connus, ce phénomène permettra de donner un sens nouveau aux vides, une absence d'art pariétal aujourd'hui ne voulant pas forcément dire une absence d'artistes ni une absence d'œuvres au Paléolithique.