La plaine du Pô, en Italie septentrionale, forme un quadrilatère de 50 000 km2. Aucune barrière naturelle ne semble être présente dans cette plaine entourée par les Alpes, les Apennins et la mer Adriatique : pas de colline, ni de lac ou de marais. Quant au Pô et aux rivières adjacentes, elles sont navigables et peuvent être, ici et là, traversées au moyen de gués.
Pourtant, à la période du Bronzo Medio (1650-1350 av. J.-C), tout comme durant le Bronzo Recente (1350-1180 av. J.-C.), cet espace, qui est homogène sur le plan géomorphologique, semble se subdiviser en deux territoires distincts, du moins du point de vue de la nature et de la forme de l'habitat protohistorique.
Dans la zone centro-orientale de la plaine sont présents en effet de très vastes habitats dont la superficie oscille entre 1 et 30 ha, appelés terramare en Lombardie orientale et en Emilie et Vénétie ou castellieri au Frioul. Ces habitats sont entourés d'un rempart en terre et d'un fossé ; ils sont bâtis à proximité des fleuves et des rivières. Il pourrait s'agir d'une forme de développement architectural et organisationnel du modèle des villages palafittiques datés du Bronze Ancien hérité des interactions culturelles étroites avec les cultures de la cuvette danubienne, aux larges habitats fortifiés.
Dans la zone occidentale de la Plaine (pour laquelle les périodes du Bronzo Medio et Bronzo Recente a été désignée « faciès BINO » pour « facies del Bronzo dell'Italia nordoccidentale »), il n'existe en revanche aucun habitat comparable. Le seul site dont on connait le plan complet, le gisement de Viverone, correspond à un habitat péri-lacustre, d'environ 0,35 ha de surface et qui n'est entouré que de palissades. Les quelques autres sites de plein air identifiés, bien que fouillés seulement partiellement, ne disposent d'aucun des caractères monumentaux des terramare et des castellieri du secteur centro-oriental. Dans la partie occidentale de la Plaine du Pô, la parure et l'armement signalent des liaisons très étroites avec la culture des Tumuli en Allemagne du sud-ouest. Plus encore, le plan de l'habitat de Viverone est comparable à ceux des palafittes suisses et allemands du BzA2.
Comment expliquer alors cette absence de larges sites fortifiés à l'ouest ? L'état d'avancée de la recherche n'est pas un argument, puisque les terramare ont été détectés dès le XIXe siècle, au moment de l'installations de grandes exploitations agricoles. Et, à des dates synchrones, la plaine piémontaise et lombarde faisait l'objet de grands travaux pour la construction de chemins de fer ou la mise en cultures des rizières.
Cette dichotomie s'explique-t-elle alors en termes de zones de conservation préférentielle des gisements liée à des processus érosifs, et/ou par des questions de reconnaissance de sites dans le paysage, et/ou enfin parce que les terramare ont été installés sur de précédentes implantations, marquant ainsi plus encore le paysage ?
De façon à explorer cette question, notre communication vise à mettre en regard :
- les données géographiques et géomorphologiques des deux secteurs,
- les informations liées à la réalisation ou non de travaux agricoles, à l'implantation d'habitats modernes, à l'apport d'alluvions et autres phénomènes naturels qui auraient pu effacer ou couvrir les sites dans le secteur occidental.
Les dimensions des habitats, le type de structures délimitant les unités d'habitation, les systèmes de canalisation des eaux, le maillage des sites dans le territoire et leur densité, les structures de sociétés accessibles au travers des informations émanant des nécropoles seront aussi confrontés, de façon à comprendre cette opposition ouest/est dans la plaine du Pô.