Parmi les matières et les matériaux possiblement utilisés par les chasseurs-collecteurs du Paléolithique, les matières organiques sont souvent les plus altérées, lorsqu'elles n'ont pas totalement disparu, et également les moins bien repérées lors des fouilles, du fait, en particulier, de processus taphonomiques. Cependant, lorsqu'elles sont suffisamment conservées, elles apportent des informations pertinentes et essentielles sur les modes de vie et le fonctionnement des groupes humains du passé, qu'il s'agisse de leurs pratiques alimentaires, prophylactiques, artisanales voire esthétiques. Les outils en pierre employés au Paléolithique ont pu faire office de pièges, de par leurs caractéristiques pétrophysiques, renfermant des résidus de diverses matières mises à leur contact. L'accès aux informations que pourraient apporter ces résidus est conditionné par la mise en place de protocoles fiables pour la récupération des résidus organiques, pour leur conservation, ainsi que pour la séparation et l'identification des molécules les constituant. De plus, ces résidus présentant un état de dégradation avancé, il est primordial d'étudier les schémas de dégradation des marqueurs organiques d'intérêt des matières étudiées, afin de pouvoir les identifier.
Cette présentation s'intéresse ainsi à la mise en place de protocoles de prélèvement, à l'identification et l'extraction de marqueurs d'intérêt spécifiques de matières organiques, d'origine animale (graisse animale, cire, os) ou végétale (exsudats, écorce, matière ligneuse, champignon), ainsi qu'à l'étude des phénomènes de dégradation les affectant, au travers de l'étude de vestiges mis au jour et d'expérimentations réalisées sur un campement de plein air du Paléolithique supérieur, le site archéologique de Pincevent. Les recherches de résidus organiques sur les vestiges mis au jour dans ce type de site sont assez rares car les matières organiques sont souvent mal conservées dans ces contextes d'enfouissement. Ainsi, ces études sont principalement engagées sur des sites tels que des abris sous roche ou des grottes, où ces matières bénéficient de meilleures conditions pour leur préservation au cours du temps. Cependant, de tels sites sont sujets à de nombreux phénomènes taphonomiques au cours de leur histoire, qui conduisent souvent à des problèmes d'identification des résidus organiques et à des interprétations contradictoires. Le site de Pincevent présente l'avantage d'avoir subi des sédimentations rapides, limitant le déplacement des objets archéologiques et structures aménagées (foyers, aménagement de l'espace d'habitat) après leur abandon. La structuration des activités est ainsi enregistrée dans les sédiments et peut être appréhendée en s'intéressant à la distribution des déchets et restes d'activités. Par ailleurs, ce site fait également l'objet de travaux interdisciplinaires en cours, avec des études thématiques particulières menées, comme l'étude des modes d'utilisation des outils combinant une étude tracéologique et l'analyse de résidus organiques et minéraux. Les expérimentations réalisées sur ce site reproduisent des utilisations réalistes d'outils en grès de Fontainebleau et silex pour travailler différentes matières organiques. Les outils lithiques utilisés ont ensuite été enfouis sur place afin d'observer l'influence de l'enfouissement sur la dégradation des résidus produits lors du travail de ces matières. Ces expérimentations complèteront l'étude des phénomènes et des mécanismes de dégradation de marqueurs organiques de ces matières, réalisée en laboratoire par dégradation accélérée.